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Contribuer à l'évolution de la vie

 

J’ai déjà eu l’occasion de parler d’un groupe d’amis au sein duquel, depuis plus de 8 ans maintenant, nous rencontrant assez régulièrement environ tous les 2 mois, nous échangeons en toute convivialité autour d’un thème proposé par l’un d’entre nous (cf  Entrer en poésie ).

Au cours du repas, entre la poire et le fromage comme on dit, nous faisons un break : chacun dispose de 10 minutes max pour, à tour de rôle, sans être interrompu, donner son point de vue, puis les agapes et les échanges reprennent de plus belle.
Le dernier thème proposé était intitulé : Que faites-vous pour contribuer à l’évolution de la vie, et pour vous guérir ?
Certains ont plutôt retenu la première partie de la formulation, d’autres plutôt la seconde. Pour ma part, je m’en suis tenu à la formulation : Que faites-vous pour contribuer à l’évolution de la vie ? Je propose dans le texte suivant de reprendre quelques-uns des propos que j’ai tenus.
 
 
 
Un peu par hasard j’ai consulté il y a quelque temps une page internet sur les autoportraits de Rembrandt. Rembrandt comme on sait, ou on ne sait pas, a produit au cours de sa carrière une quarantaine d’autoportraits — ce qui n’est pas sans intriguer, du fait du nombre élevé de ces autoportraits (les artistes de son temps se sont rarement autoportraiturés à plus de deux ou trois reprises), mais aussi parce qu’il se peint souvent avec des accoutrements curieux, parfois extravagants, coiffé d’un béret, d’une toque ou d’un turban, vêtu de guenilles ou d’un élégant pourpoint… se cherchait-il lui-même ?
 
En tout cas, ce que je vois à travers ces autoportraits, c’est comme une image prégnante de l’évolution de la vie. Cela, des photographies de nous, jeune, adulte et puis vieilli, nous le montrent bien sûr, et c’est parfois difficile à regarder, parce que la réalité (la réalité de l’évolution de la vie) s’offre brute, sans filtre. L’autoportrait a quelque chose de plus subtil. « Portraiturer » (de pro, en avant, et trahere, tirer : « tirer en avant », d'où, dans la langue du moyen âge, dessiner), c’est en quelque sorte faire advenir, faire monter à la lumière la réalité intérieure qui se cache sous les traits du visage. C'est pour cela qu’un autoportrait peut être émouvant, à cause de l'effort qu’a déployé l’artiste pour « tirer en avant » sa propre réalité intérieure. (À l'inverse un selfie ou egoportrait a quelque chose de désolant : outre que les traits sont généralement déformés ils n'expriment rien de l'intériorité.)
 
Ainsi donc des autoportraits de Rembrandt. J’en retiens trois.
 
 
500px-Self-portrait_(1628-1629)_by_Rembrandt.jpg
 
Le premier autoportrait date de 1628 (Rembrandt a 22 ans). Il est intitulé « autoportrait aux cheveux ébouriffés », ou « autoportrait en jeune homme ». L'artiste se saisit dans le clair-obscur qu’il affectionne (le clair-obscur c'est une technique, mais cela dit aussi quelque chose de la recherche de la lumière), les cheveux sont en désordre, pas rangés, le regard est droit tourné vers l’à-venir. 
 
 
Rembrandt_-_Self-portrait_with_a_sketchbook_FAMSF.jpg
 
Le deuxième autoportrait date de 1656 (Rembrandt a 50 ans). Il est intitulé « autoportrait dessinant ». Rembrandt est en position d'activité (il se peint en train de peindre), il apparaît rayonnant, sûr de lui, il maîtrise son sujet.
 
 
22sp1668.jpg
 
Le dernier autoportrait date de 1663 (Rembrandt a 57 ans, il mourra à 63 ans). Il est intitulé « portrait en Zeuxis » [Zeuxis était un peintre grec du Vᵉ siècle av. J.-C. qui, d'après la légende, est mort en riant alors qu’il portraiturait une vieille dame…]. Cet autoportrait est énigmatique. La superbe a disparu, ici Rembrandt renonce à tout effet de style ou de prétention, la texture est rugueuse avec des empâtements gras et épais, le personnage avec un léger sourire à peine marqué se simplifie, il garde contact avec le fond obscur, maternel et terrestre de son être.
 
Ainsi de l’évolution de la vie, saisie à travers ces trois autoportraits : le matin de la vie, le zénith, la descente.
 
Contribuer à l’évolution de la vie, c'est accompagner cette évolution, ne pas la contrarier, plus que cela : l’accepter.
Le terme de cette évolution, c’est la mort. Ce qui veut dire que la mort fait partie de la vie. La mort est partout présente dans la vie, dès le commencement. Le mystère de la mort renvoie à celui de la naissance. A peine né, on est promis à la mort. Mais on ne vient pas de rien, et la mort ne conduit pas à rien. On ne vient pas de rien : gènes, lignée, on naît de prédécesseurs.
La mort prend aussi sens par rapport à ceux qui suivront, qui hériteront de ce qu’on a apporté de contribution à la vie.
 
Contribuer à l’évolution de la vie c’est donc accompagner ce mouvement, qui va à la mort ; mais c’est comme une graine :
« Si le grain de blé tombé en terre ne meurt pas, il reste seul ; mais s’il meurt, il porte beaucoup de fruit. » (Jn 12, 24)
Comment meurt le grain de blé ? en se dépouillant, se simplifiant.
 
Tel est le chemin : se simplifier. Jung disait cela avec ses mots : « La descente à l’après-midi de la vie exige simplification, limitation et intériorisation, autrement dit : culture individuelle. » (L’Âme et la Vie )
 
 
PS
Je ne suis pas du tout dans l’état d’esprit de ceux qui promettent l'immortalité pour bientôt : je pense qu’il s’agit là d’une illusion savamment entretenue parce que surtout prometteuse d'un marché juteux à se faire sur le dos des (très riches) naïfs qui veulent y croire ; une affaire de business.
Au demeurant, quoi de pire que la perspective de l'a-mortalité ?


31/05/2019
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