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Prévoir l'incertain

 

 

 

Nous nous trouvons devant l’obligation paradoxale de devoir maîtriser la complexité de notre environnement. Cette obligation est paradoxale, car selon le mot de Paul Valery : « Tout ce qui est simple est faux ; tout ce qui est compliqué est inutilisable ». Pourtant, on ne peut échapper à cette obligation, car de fait la réalité est complexe et nous devons y faire face.

 
Edgar Morin a sans doute été le premier auteur à donner une explication approfondie de cette situation. Dans « La Méthode » (1977)  il montre qu’il est nécessaire d’abandonner le principe d’explication qui ne retient que l’ordre des phénomènes et laisse dans l’ombre le désordre : l’irrégularité, le déviant, l’incertain, l’indéterminé, l'inattendu.
 
Cet incertain, cet indéterminé, il est à l’oeuvre dans les organisations, qui fonctionnent comme un système ouvert où inter-agissent de façon complexe (actions, boucles de rétroaction, interfaces, émergences etc.) l’environnement externe, les technologies, le style de management, les diverses cultures présentes, les personnes etc.  L’individu lui-même doit être appréhendé comme un sujet humain doté d’une histoire, de motivations complexes, d’un potentiel créateur — sujet en devenir et non déterminé une fois pour toutes. Quant à l’environnement, il fonctionne également comme un système ouvert où inter-agissent d’autres forces etc.
Ainsi le monde, qui est formé de toutes ces combinaisons, est-il fondamentalement incertain. 
 
Nous venons d’en avoir une expérience saisissante avec la pandémie qui touche le monde entier. Personne n’avait prévu cette pandémie, ne pouvait la prévoir, et nul ne sait ce qui va se passer demain. On est dans l'incertitude totale.
 
Que faire alors devant cet incertain ? Si « gouverner c’est prévoir », et il en va ainsi aussi de nos vies, peut-on prévoir l’incertain ?
 
Prévoir l’incertain, ce n’est pas chercher à prévoir l’avenir, chose impossible !
 
C’est bien plutôt apprendre à vivre avec l’incertitude. C’est en quelque sorte se préparer à « attendre l’inattendu » de façon active, autrement dit se préparer à s’adapter, développer ses capacités d’adaptation.
 
Un fragment d’Héraclite énonce ceci : « Si l’on n’attend pas l’inattendu, on ne le découvrira pas, lui qui est inexplorable et sans accès ». Généralement nous attendons quelque chose… qui est attendu, connu. Il s’agit ici d’attendre l’inattendu. L’inattendu est inexplorable et sans accès. Si c’est explorable, c’est que c’est en quelque sorte, en partie du moins, déjà connu, on est dans l’ordre du principe d’explication.
 
L’inattendu relève de l’in-connu, on ne le découvrira que si on l’attend en tant qu’inconnu et se prépare à vivre avec l’incertitude.
 
Ainsi de nos vies. Nous ne savons pas de quoi demain sera fait. Il n'est pas utile, de toute façon pas possible (sauf à se mettre naïvement entre les mains de cartomanciers et autres "diseurs de bonne aventure"!) de chercher à le savoir. En revanche, il est essentiel de se mettre dans la disposition d'esprit qui prépare à faire face à l'incertain en cultivant les qualités mentales de souplesse, agilité et adaptation. 
 
 
Rien n'est précaire comme vivre
Rien comme être n'est passager
C'est un peu fondre pour le givre
Et pour le vent être léger
J'arrive où je suis étranger.
 
(Louis Aragon, La Diane française )
 
 
 

 



16/10/2021
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